Un salarié sur cinq dénonce un management toxique. Un chiffre qui fait froid dans le dos.
Le problème ? Bien que l’on en parle de plus en plus, il n’est pas forcément facile de définir avec précision ce qu’est le management toxique. Et pourtant, il est essentiel de le détecter pour éviter les effets délétères sur l'humain et sur la performance.
Alors, en tant que RH, comment repérer un management toxique (parfois très tangible, mais souvent très insidieux) ? Et quelles sont les clés pour court-circuiter ou au moins minimiser les pratiques managériales néfastes ?
Des questions auxquelles notre co-fondatrice Julia Néel Biz a répondu aux côtés de Sophie Plumer (créatrice du podcast Chef[fe]) et d’Anaïs Georgelin (fondatrice de somanyWays) lors d’un webinaire. Ensemble, elles ont décrypté le sujet pour vous permettre d’agir et de construire des organisations plus saines, grâce à des conseils pratiques.
Qu’est-ce que le management toxique ?
Définition du management toxique
On en entend beaucoup parler mais de quoi parle-t-on exactement ?
- Le management toxique désigne une forme de gestion qui entraîne un mal être individuel ou collectif au travail. Il peut être intentionnel ou non intentionnel (par exemple un manager manquant d’expérience ou de certaines compétences, mais qui n’a pas forcément l’intention de nuire).
Plusieurs éléments font que la définition d’un management ou d’une relation toxique n’est pas toujours évidente : - La notion de « durée » car un manager que l’on peut qualifier de toxique à un instant T peut ne pas l’être tout le temps. Comme avec le harcèlement, c’est souvent la répétition qui fait qu’une situation managériale devient toxique.
- La notion de « personne » et de « personnalité », car un manager perçu comme toxique pour un collaborateur peut avoir une bonne relation avec un autre. D’où une ambiguïté et une responsabilité qui peut être partagée.
- La frontière entre « manager toxique » et « faire des erreurs » qui peut parfois être fine.
Des exemples de cas concrets de management toxiques
Le management toxique peut prendre diverses formes. Voici quelques exemples pour vous permettre de mieux comprendre :
- Des managers qui ne se sentent pas bien dans leur rôle de managers et qui reportent une pression ressentie sur leurs collaborateurs. Avec une complexité encore plus élevée dans les entreprises qui n’ont pas bien adapté leur culture au mode de travail hybride ou majoritairement en distanciel. Cela se traduit par exemple par énormément de sollicitations ou encore du micro management. Résultat : cela peut être vécu comme une forme de management toxique par une personne qui ne sait pas mettre des limites et dire non.
- Autre exemple collectif : une entreprise dans laquelle la pression ne redescend jamais, où on n’a le temps de rien et on se complait là-dedans. C’est à la fois la faute de personne et la faute de tout le monde. Personne n’appuie sur pause : derrière les gens sympas ou les soirées de teambuilding, on nous fait croire que c’est super bien de passer sa vie au travail et de ne plus en avoir.
- Un exemple plus individuel : le cas d’une collaboratrice qui faisait face à quelqu’un qui la harcelait, mais ne s’en était pas rendue compte parce que ce n’était pas violent au quotidien. Néanmoins c’était très régulièrement des critiques sur son travail ou encore sa manière de s’habiller. À la longue, elle a opté pour la technique de l’invisibilité, jusqu’à s’oublier elle-même.
Les différents types de management toxique
En plus des exemples précédemment évoqués, il est important de reconnaître les différentes formes que peut revêtir un management toxique. Parmi celles-ci, on trouve le management autoritaire. Ce type de comportement et de leadership se caractérise par un patron qui exerce un contrôle excessif sur ses employés, décourageant toute initiative individuelle et imposant sa volonté sans discussion. Les conséquences peuvent être dévastatrices pour le bien-être des salariés, entraînant un sentiment d'impuissance et de dévalorisation.
Un autre type de management malsain est le management manipulateur. Dans ce cas, le responsable utilise des tactiques de manipulation pour obtenir ce qu'il veut de ses collaborateurs. Cela peut prendre la forme de flatterie excessive, de mensonges ou de chantage émotionnel. Les employés se retrouvent alors piégés dans une relation malsaine où leurs actions sont dictées par la manipulation plutôt que par des principes éthiques.
Enfin, le management négligent est une autre facette de ces comportements néfastes. Dans ce scénario, le dirigeant ou manager fait preuve d'un désintérêt total pour le bien-être de son équipe. Il peut être indifférent aux besoins des salariés, ignorer leurs contributions et ne pas fournir les ressources nécessaires pour accomplir leur travail de façon efficace. Cette attitude laisse les salariés se sentir négligés et non valorisés, ce qui a tendance à conduire à une baisse de motivation et de satisfaction au travail.
Les conséquences des comportements managériaux toxiques
Le problème d’une gestion d’équipe toxique ? C’est qu’il se répercute sur toute l’organisation.
En effet, les mauvaises pratiques managériales gênent la croissance et le développement des individus : manque de confiance, critiques non-constructives, humiliation, dévalorisation, menace, punition, qui peuvent même mener au burn-out… Autant de pratiques qui entravent la créativité, la capacité à oser, la motivation et donc l’engagement des collaborateurs et la progression de leurs compétences et de leur carrière.
À long terme, de telles pratiques provoquent :
- une réelle baisse de l’efficacité et du bien-être des salariés au travail ;
- une augmentation des risques psychosociaux ;
- un absentéisme et un turnover forts (+ de 65% des collaborateurs disent considérer quitter leur emploi pour des raisons liées à leur bien-être mental).
Bref, la dynamique de l’entreprise est bien pénalisée !
Et c’est là que le rôle des RH est essentiel pour alerter et réagir vite avant le point de rupture.
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Comment détecter une situation de management toxique ?
70% des gens victimes de comportements toxiques de la part de leur hiérarchie n’en parlent pas.
Alors comment réussir à percevoir un mal-être chez les collaborateurs et à libérer la parole ?
Pour prendre le pouls régulièrement, vous pouvez :
- Mener des enquêtes et recueillir des données. Par exemple sur le stress, le sentiment d’utilité, la confiance en soi, l'équilibre de vie, le sens que l’on donne à son travail, etc. L’idée est de regarder les chiffres par groupe ou par département et de les analyser.
Sur ce point, le déploiement d’un baromètre QVT est une bonne idée. Notre solution de Santé Mentale teale peut vous être utile. En effet, les collaborateurs font régulièrement état de leur bien-être du moment grâce à notre indice de santé mentale scientifiquement prouvé… Côté RH, vous pouvez suivre l’évolution du bien-être et regarder les sujets les plus plébiscités par vos équipes. Idéal pour comprendre ce qui pose problème et mettre en place des actions en fonction. - Être attentif aux KPIs globaux de l’entreprise. Par exemple, le taux d'absentéisme, le niveau turnover dans une équipe, le nombre de personnes qui vont voir la médecine du travail… Autant d’indices qui peuvent vous mettre la puce à l’oreille.
- Avoir régulièrement des points de contact physique avec les collaborateurs. “Comment ça va ? Comment ça se passe en ce moment ? Te sens-tu bien dans tes missions ?” Des questions simples, mais essentielles, pour rester à l’affût et percevoir de potentiels problèmes.
Comment prévenir un management toxique ?
Comme la toxicité des relations entre manager et salarié est parfois difficile à définir, notre co-fondatrice Julia conseille de s’interroger sur son inverse : le management positif. Autrement dit : comment mettre en place les conditions pour que chaque collaborateur puisse s’épanouir ? Et comment cultiver une culture d’entreprise saine ? Voici quelques conseils pour atteindre ces objectifs.
Appliquer les principes du “Radical candor”
Le “radical candor” est un concept développé par l’auteure Kim Scott pour permettre aux managers et leaders d’établir des relations saines et durables.
Concrètement, le “radical candor” est la combinaison de deux grands axes :
- “Care personally”, c’est-à-dire, le fait de se soucier de chacun de façon humaine.
- “Challenge directly”, c’est-à-dire être franc, oser challenger son équipe, mais aussi sa ou son manager, ses pairs ; et dire les choses qui doivent être dites.
Lorsque les managers/leaders adoptent cette attitude d'ouverture et de franchise, cela se propage en général rapidement au reste de l'équipe.
Définir des valeurs d’entreprise et les faire vivre en les traduisant en principes managériaux
L’objectif ? Donner un cap et un référentiel managérial à tous les collaborateurs.
Voici ce que cela donne dans les coulisses de teale par exemple :
- Pour notre valeur “Audace / courage”, nous la décrivons de cette manière : “Nous croyons au fait que l'industrie de la santé mentale a été boudée par l'innovation pendant trop longtemps. Nous n'avons pas peur de montrer la voie en Europe.”
Concrètement, à l'externe, nous n'avons pas peur de remettre en question le statu quo. Nous n’avons pas peur des mots, nous parlons de santé mentale, pas de bien-être. Et en interne, nous innovons, nous faisons des choses que les autres entreprises ne font pas.
- Pour notre valeur “Humilité”, nous la décrivons ainsi : “Nous savons que la santé mentale est un sujet sérieux. Nous ne disons pas que nous avons l’unique réponse, mais nous nous efforçons de construire la solution qui ait le plus d’impact et qui aide les gens à se sentir mieux.”
Concrètement, en externe, nous avons créé un Conseil scientifique pour nous aider à construire la solution la meilleure et la plus scientifique. Nous continuons à apprendre en prenant en compte les commentaires de nos utilisateurs pour rendre notre application aussi efficace que possible. En interne, nous sommes transparents et nous sommes bienveillants dans le partage et la réception de commentaires. Nous assumons la responsabilité de nos succès, mais aussi de nos échecs. Nous les partageons avec l'équipe et voyons ce que nous pouvons faire mieux la prochaine fois.
Montrer l’exemple
En tant que fondateurs/managers/leaders, montrer l’exemple sur les horaires, l’équilibre de vie, la prise de congés, le droit à l’erreur, etc., va permettre d’insuffler des pratiques saines.
De même, partager ses vulnérabilités (par exemple accepter que l’on est stressé parfois) est essentiel pour que chaque collaborateur se sente légitime d’en faire de même. De cette façon, la parole se libère.
À ce sujet, on vous conseille de regarder notre série documentaire Untold : dans chaque épisode, un ou une CEO revient sur un moment difficile en toute transparence, et nous raconte comment il ou elle a, ou non, surmonté cette épreuve. Une bonne dose d’inspiration et d’humanité.
Former et donner des outils
Sur ce point, vous pouvez agir sur plusieurs niveaux :
- D’un point de vue individuel, en donnant des outils aux collaborateurs pour leur apprendre à dire non, à gérer le stress au travail, à s’affirmer… De cette manière, vous les sensibilisez et leur permettez d’apprendre à mettre des limites et se protéger.
- D’un point de vue collectif, en sensibilisant et formant les managers à des méthodes de management positif (les bonnes postures à adopter, les “soft skills” à développer…).
Bon à savoir : avec notre solution teale, chaque employé reçoit un programme personnalisé et évolutif de vidéos et d’exercices pour travailler sur ses forces et ses faiblesses. En parallèle, nous formons les managers à détecter les signaux faibles et à développer les bons réflexes. Pour en savoir plus sur notre accompagnement, vous pouvez prendre rendez-vous avec notre équipe.
Un dernier conseil pour la route : en tant que RH n’hésitez pas à faire appel à des personnes extérieures (par exemple des psychologues du travail, des entreprises spécialisées sur la santé mentale…) pour sortir de la bulle interne et prendre du recul.
Un dernier conseil pour la route : en tant que RH n’hésitez pas à faire appel à des personnes extérieures (par exemple des psychologues du travail, des entreprises spécialisées sur la santé mentale…) pour sortir de la bulle interne et prendre du recul.
Agir face au harcèlement et aux risques psychosociaux
Un aspect crucial de la prévention du management toxique est la lutte contre le harcèlement et la réduction des risques psychosociaux. Il est impératif pour les RH de mettre en place une politique et des procédures claires pour traiter les cas de harcèlement au travail. Cela inclut la mise en œuvre de mécanismes de signalement sûrs et confidentiels, ainsi que la formation des employés et des gestionnaires sur la prévention et la gestion du harcèlement.
De plus, les RH doivent être attentifs aux signaux précurseurs de risques psychosociaux au sein de l'organisation. Cela peut inclure une augmentation de l'absentéisme, des plaintes concernant le stress ou le surmenage, ou des changements négatifs dans le comportement des employés. En identifiant ces signaux tôt, les RH peuvent rapidement inverser la tendance et mettre en place des mesures préventives pour améliorer le bien-être au travail.
Enfin, il est essentiel que les RH travaillent en étroite collaboration avec la direction et les gestionnaires pour créer une culture d'entreprise qui valorise le respect, la communication ouverte et le soutien mutuel. En promouvant des valeurs telles que l'empathie, l'inclusion et le respect de la diversité, les RH peuvent contribuer à créer un environnement de travail sain où chacun se sent respecté et soutenu dans son développement professionnel et personnel.